Interview

- INTERVIEW -

 Liane-Cho HAN

Character animator 2D

L’Illusionniste - Tout en haut du monde - Calamity

" Lévi Lemaire : Liane-Cho, tu as collaboré à de grands films d’animation, comme L’Illusionniste, Tout en haut du monde ou encore Calamity. Peux-tu raconter en quoi consiste ton métier ?

Liane-Cho Han : Le cinéma d’animation est une industrie où il y a plusieurs métiers. À la base, je suis « animateur 2 D ». Je crée des personnages en les dessinant. Ce peut être une petite fille, un vieil homme, un chien, une chaise, etc. Je me mets en eux comme si j’en étais l’acteur ou l’actrice. Je les fais bouger, jouer, vivre par le dessin. Dans un film, pour que ça bouge, il y a huit à douze dessins à faire par seconde !


Lévi L. : Peux-tu, en deux mots, nous dire qui tu es ?

Liane-Cho Han : Je suis né à Paris, d’origine chinoise. Mes parents ont émigré dans les années 1970. J’ai fait toutes mes études en France.


Lévi L. : Comment est née ta vocation ?

Liane-Cho Han : Je suis de la génération des dessins animés du Club Dorothée à la télévision. Ils ont été ma première inspiration. Vers dix ans, j’ai commencé à recopier certains dessins, Dragon Ball Z, par exemple. Ma petite sœur de trois ans s’y est mise aussi… Puis, j’ai arrêté et me suis consacré à mes études jusqu’à un bac S. Je me voyais plutôt dans l’informatique. Mais ma petite sœur avait continué de dessiner et, en la voyant, ça m’a fait réfléchir. Je me suis dit : « C’est ça que je veux faire, c’est ça mon rêve ! » Je me suis inscrit à l’école des Gobelins. C’est un concours : on est huit cents candidats et vingt-cinq sont pris. J’ai réussi à y entrer au bout de la troisième fois. Tu étais la classe une année au-dessus de moi !


Lévi L. : Que faut-il pour être un bon futur animateur 2 D ?

Liane Ho Chan : Il faut un solide bagage en dessin, observer sans cesse, recopier, dessiner des modèles vivants, dessiner dans le train, dans le métro, dans la rue, respecter la perspective d’un décor, d’un monument… On apprend à faire naître un personnage, à analyser ses mouvements, à le faire marcher, sauter, courir, à se plonger dans sa peau, à construire son histoire, à rentrer dans un scénario, à le rendre naturel, crédible.


Lévi L. : Quelle a été la suite de ta carrière ?

Liane-Cho Han : Après la création de personnages, on devient « story-boarder ». C’est la personne qui, à partir d’un scénario, détermine, par une série de croquis, comment cadrer le film, comment placer la caméra. C’est la mise en scène du film. Ensuite, je suis devenu « directeur d’animation ». C’est celui qui dirige le jeu des personnages, des acteurs. Et maintenant je suis devenu « réalisateur ». Je réalise un film, dont je suis aussi co-scénariste, qui a pour base l’adaptation d’un roman d’Amélie Nothomb, La Métaphysique des tubes. Il s’agit de s’approprier un texte, de le mettre en images. Le réalisateur est celui qui a la vision globale du film, de ce qu’il sera à l’écran. Il ressemble à un chef d’orchestre qui fait jouer ensemble toute une équipe, tous les instruments d’un film d’animation : l’histoire, les images, la couleur, le décor, la musique…


Lévi L. : Que dirais-tu à un futur étudiant en cinéma d’animation et à ses parents ?

Liane-Cho Han : C’est un métier particulier qui fait appel à beaucoup de rêves. Il s’agit de cinéma. On s’amuse à créer des films, on apprend, on a des doutes, on s’élève, on rêve, on participe à une création, on accueille des suggestions, on est heureux, on a de l’envie, on est passionné par ce qu’on fait… Mais ça reste un travail avec un salaire au bout ! Ce n’est pas facile. Il y a beaucoup de travail au début.


Lévi L. : Quelles sont les qualités d’un bon étudiant ?

Liane-Cho Han : Il faut beaucoup de patience. On n’apprend pas à être bon en seulement deux, trois ou cinq ans. Il faut de la rigueur, une grande curiosité artistique, voir beaucoup de films, être ouvert à la peinture, à la littérature, courir les expositions, s’intéresser à la bande dessinée… Surtout, on doit bien s’entourer, ne pas rester seul, être au contact d’autres personnes. C’est très important d’être dans une situation d’émulation constante. C’est l’intérêt d’une école.


Lévi L. : Que doit être une école qui prépare aux métiers de l’animation ?

Liane-Cho Han : Une bonne école vaut par ses enseignants et ses intervenants. C’est un lieu où l’on partage une même passion, un lieu pour se dépasser. C’est un lieu d’équipe, de stimulation, où on vit ensemble, où l’on reçoit les bons conseils de base, où l’on apprend à choisir, à prendre du recul . C’est le temps et le suivi donné aux exercices, la persévérance, le temps de rater et de recommencer. L’école donne les bases, sans trop les compliquer au début. Elle évite les faux départs. Elle initie au matériel informatique. Elle ne grille pas les étapes. Elle enseigne l’organisation du travail et chaque chose en son temps.


Lévi L. : Quel est le bonheur et la beauté du métier d’animateur 2 D ?

Liane-Cho Han : Pour mon compte, c’est ce que j’ai toujours voulu faire. Mon premier professeur d’animation m’a appris à ne pas chercher à impressionner mais à émouvoir : ça vous laisse une marque ! Depuis plus de quinze ans, je cherche à émouvoir. Cela donne une ligne directrice à une vie. Forger son sort, sa vie, ceux de ses personnages, c’est du vrai bonheur.


Lévi L. : Peut-on savoir ce que devient ta petite sœur ?

Liane-Cho Han : Elle travaille aussi dans l’animation et est auteur et éditrice de bandes dessinées…"

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